L’allégement de la charge administrative ou des coûts de conformité que les entreprises supportent de la part des différents acteurs publics (est l’un des rares gisements de productivité que la France peut exploiter. Le Sénart a émis 7 propositions pour simplifier les normes.
Les principaux codes utilisés par une entreprise se sont fortement épaissis depuis 2002 : le code l’environnement a cru de 653 %, le code de commerce de 364 % et le code de la consommation de 311 %. Le coût macro-économique de la réglementation pesant sur les entreprises n’est pas connu avec certitude, variant du simple au double. Il est estimé a minima par le gouvernement à 3 % du PIB soit 60 milliards d’euros par an. À cet impôt papier s’ajoute une administration qui s’investit davantage dans le contrôle et la sanction que dans le conseil et l’accompagnement. La norme excessive créée une rente au détriment des entreprises, surtout des PME obligées de s’adresser aux professionnels de la complexité, elle réduit donc la concurrence et pénalise l’emploi
Il est temps de s’attaquer à ce monstre à plusieurs tête. C’est ce revendique la Délégation sénatoriale aux entreprises dans un rapport intitulé « La sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises ». Les sénateurs étant des gens raisonnables, ils ne parlent pas d’un grand soir mais « mais d’un effort de long terme, qui requiert une volonté politique constante portée au plus haut niveau de l’État », comme le déclare le président (Les Républicains) de la délégation, Serge Barbary, Sénateur de l’Indre-et-Loire. « Tous les outils d’une politique publique efficace existent. Il manque la volonté politique de les activer. En effet, depuis 2017 plus aucun membre du gouvernement est en charge de la simplification. Les entreprises françaises doivent être davantage associées à la construction des normes les concernant, que le fardeau administratif qui entrave leur compétitivité doit être mieux identifié et davantage évalué pour être allégé ».
Certes, depuis 2018, le flux des normes étatiques (lois, ordonnances, décrets, arrêtés) est mesuré, même si leur nombre demeure toujours inconnu, comme l’est le nombre de procédures ou demandes d’information émanant des autres auteurs de la norme ou de l’Union européenne. Il fait apparaître une prolifération normative mettant toujours davantage la norme hors de portée des entreprises. « La normalisation volontaire est en revanche un facteur d’efficience économique permettant de réduire la complexité, en participant à son recentrage ou son alignement. Ce droit souple est plébiscité par les entreprises, qui participent à sa construction. Les entreprises qui utilisent ces normes volontaires connaissent une croissance de 23 % de leur chiffre d’affaires et de 20 % de leurs exportations », remarque Serge Moga, rapporteur Sénateur (Union Centriste) du Lot-et-Garonne.
Les sénateurs ont interrogé 783 entreprises sur les normes. Leur verbatim est clair. On y parle de « furie administrative », de normes « pas adaptées à toutes les situations », « pas faciles à comprendre » , de chefs d’entreprises qui ne sont « pas accompagnés d’une information adéquate », d’une « complexité, coûteuse et inutile » provoquant une inévitable « anxiété permanente » en même temps qu’une « perte de chiffre d’affaires ». Parfois tout simplement « inapplicables », ces normes démontrent le « fossé présent entre l’administration et la réalité de la vie des entreprises ».
Sept recommandations sont mises en avant par les Sénateurs :
Recommandation n°1 : évaluer le poids des normes.
Avant de lancer une politique de simplification, il convient au préalable de se doter d’une méthodologie rigoureuse et partagée entre toutes les parties prenantes de l’évaluation, pour, en priorité identifier les « normes » applicables aux entreprises et construire un agrégat des normes applicables aux entreprises, permettant, à partir d’un « moment zéro », par exemple le 1er janvier 2025, de mesurer son évolution, facilitant les comparaisons européennes, afin de fixer un objectif d’allégement de leur poids.
Recommandation n°2 : engager une politique publique de long terme, associant tous les acteurs de la norme
Comme il existe une programmation pluriannuelle des finances publiques, il peut y avoir une programmation pluriannuelle de la simplification au bénéfice des entreprises, votée tous les 5 ans. La politique de simplification doit être cyclique, avec des allers-retours permanents entre le programme d’action et son évaluation.
Recommandation n°3 : conduire une politique de simplification au sein de l’administration d’État associant les entreprises
Un Conseil national de la simplification pour les entreprises, indépendant et composé en majorité de représentants des entreprises, pour assurer le dialogue avec le monde économique et garantir sa participation à la conception et à la mise en œuvre des mesures de simplification ; proposer au gouvernement des axes prioritaires de simplification ; suivre les réalisations du programme de simplification et évaluer ses résultats ; En cas d’avis négatif, le gouvernement devra « transmettre un projet modifié ou des informations complémentaires en vue d’une seconde délibération ». Un Haut commissaire à la simplification, directement rattaché au Président de la République, sera désigné.
Recommandation n°4 : anticiper et renforcer l’association des entreprises aux normes les concernant
L’État doit davantage consulter les représentants des organisations patronales et syndicales sur les réformes et les normes d’une ampleur significative ayant un impact sur les entreprises.. La concertation doit être systématique. Elle doit se réaliser au stade de l’élaboration même de la décision, au niveau global (aspect macroéconomique), de la branche d’activité (aspect sectoriel) et de l’entreprise (aspect microéconomique). L’étude d’impact doit pouvoir être discutée. Ce débat nécessite du temps. C’est pourquoi elle doit pouvoir être engagée dès l’annonce d’une norme ou d’une politique publique ayant un impact significatif sur la vie des entreprises.
Recommandation n°5 : expérimenter, tester et évaluer les normes applicables aux entreprises
L’expérimentation des normes économiques doit être développée pour lever une incertitude sur la pertinence, l’efficacité ou les modalités de mise en œuvre d’une mesure. Le recours au « test PME » doit être systématisé pour toutes les normes créant une charge importante pour les entreprises, dans l’objectif de confronter l’étude d’impact théorique de sa mise en œuvre concrète avec une évaluation « grandeur nature » sur un panel de textes concernant directement les entreprises. Il faut construire la norme économique en l’adaptant à la taille de l’entreprise.
Recommandation n°6 : simplifier le langage administratif et accompagner la norme économique d’un mode d’emploi compréhensible
La pédagogie de la norme est un élément indissociable de son acceptabilité. L’administration doit avoir l’obligation d’accompagner et de conseiller les entreprises, avec la création d’indicateurs de performance. Cette pédagogie doit accompagner systématiquement les réformes affectant la vie des entreprises avec la publication sur les sites internet des administrations d’une Foire aux questions (FAQ) permettant leur explication simple.
Recommandation n°7 : mieux articuler norme et normalisation
Dans le domaine économique, le droit souple doit alléger le droit dur. Le droit souple peut contribuer à enrayer la tendance au droit bavard s’il permet de recentrer le « droit dur » sur les dispositions qui doivent vraiment relever de lui. Le droit souple ou la régulation garantissent : une association des entreprises et notamment des PME à l’élaboration de la norme qui la concerne ; la compétitivité des entreprises françaises, puisqu’elle est partagée au niveau international ; la pertinence de la norme puisqu’elle prévoit un mécanisme de péremption de la norme volontaire si elle n’est pas utilisée par les entreprises, car non pertinente ou obsolète.
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