La France enregistre la plus forte hausse des défaillances jamais connue, avec 49,9 % d’ouvertures en plus sur un an. Les PME et les jeunes entreprises en situation de vulnérabilité extrême.
Le groupe Altares – expert historique et référent de l’information sur les entreprises - dévoile aujourd’hui les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 4e trimestre et l’ensemble de l’année 2022. Avec 42 500 procédures ouvertes sur 2022, le nombre de défaillances accuse une hausse exceptionnelle de près de 50 % par rapport à 2021, un taux jamais observé auparavant. Le nombre global de procédures reste toutefois inférieur de 10 000 par rapport aux niveaux de 2019. Si le retour aux normes d’avant Covid s’amorce depuis un an, l’augmentation des défaillances s’accélère de manière alarmante pour les PME dont plus de 3200 ont défailli en 2022 avec le tiers sur le seul 4e trimestre. Dans ces conditions, 143 000 emplois directs sont aujourd’hui menacés.
Thierry Millon, directeur des études Altares déclare : « Depuis 2020, 103 000 entreprises ont fait défaut contre 162 000 durant les trois années précédentes. 59 000 défaillances ont ainsi été « épargnées » grâce notamment aux dispositifs d’aides publiques déployés pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire puis de la guerre en Ukraine. Pourtant, si le risque a été anesthésié, évitant la déferlante tant redoutée des faillites, les entreprises ne sortent pas indemnes de ces longs mois de turbulences. Entre inflation et crise énergétique, le climat se complique encore et les fonds propres sont mis à contribution. Or, l’Observatoire du Financement des Entreprises notait dans son rapport de mai 2021 sur les fonds propres des TPE et PME si l’essentiel de ces entreprises a affronté la crise avec des situations en fonds propres renforcées avant la Covid, une partie disposait, en revanche, de structures financières très dégradées (un tiers des TPE) ou était insuffisamment capitalisée (20 % des PME analysées). De son côté, la Commission européenne alerte sur le poids excessif de la dette des entreprises non financières de l'Union qui représentait 111 % du PIB des 27 à fin 2020, soit 14 900 milliards d'euros. Or, le manque de fonds propres handicapant pour investir et se financer est un signal prépondérant du risque de défaillance. »
Avec 42 514 procédures enregistrées, le volume des défaillances remonte à son niveau de mai 2020. La hausse sur un an est quant à elle exceptionnelle (+49,9 %), un rythme annuel jamais connu qui confirme l’accélération de la sinistralité entrepreneuriale.
La tendance est restée forte sur le dernier trimestre (+48 %) après l’envolée de l’été (+70 %) et les augmentations du début d’année (+35 % au 1er trimestre et +50 % au 2ème trimestre).
A fin 2022, sur douze mois, le nombre d’ouvertures reste inférieur de 18 % à celui enregistré fin 2019 ; un écart qui n’est déjà plus que de 9 % sur le seul dernier trimestre, après un mauvais mois de novembre déjà identique à celui de 2019.
Sauvegardes et redressements en hausse
Avec 1 125 jugements prononcés en 2022, le nombre de procédures de sauvegarde est au plus haut sur cinq ans. En augmentation de 54,3% sur un an, son rythme accélère encore au quatrième trimestre (350 ; +73%). Toutefois, ce dispositif réservé aux seules entreprises n’étant pas en cessation de paiement représente toujours moins de 3 % de l’ensemble des procédures. Fin janvier 2023, les tribunaux devraient « seulement » prononcer la 6000e sauvegarde, un chiffre bien dérisoire, 17 ans après l’entrée en vigueur de cette procédure.
Les procédures de redressement judiciaire (RJ) augmentent plus vite encore. 10 132 jugements ont été prononcés, soit 55,8 % de plus sur un an. Mais moins d’un jugement sur quatre (23,8 %) est une ouverture de RJ, un taux très en-dessous des 30 % observés avant crise. Sur le dernier trimestre, le nombre de RJ (3027) est encore en hausse rapide, +57 %.
31 257 liquidations judiciaires (LJ) ont été ouvertes (+47,9%) en 2022 et 8 879 (+44,8%) au cours du quatrième trimestre. Depuis 2020, les LJ concentrent les trois quarts des jugements prononcés contre les deux tiers avant Covid.
Emplois menacés
L’augmentation des défaillances touche toutes les tailles d’entreprises. Cependant, la situation est particulièrement préoccupante pour les PME de 10 à 99 salariés. 3 214 ont défailli en 2022 contre 1 804 en 2021, soit une envolée de +78 % sur un an. Le 4e trimestre concentre le tiers de ces défauts (1 037) soit une augmentation de + 93 % par rapport à la même période en 2021 (538). Ce quatrième trimestre se clôture sur la plus forte dégradation enregistrée depuis 2014 (1163).
Les sociétés les plus grandes ne sont pas épargnées puisque près d’une centaine (95) a fait l’objet d’une procédure. La hausse des procédures sur ce « segment » (+28%) est très en-dessous de la moyenne globale (+50 %).
Dans ces conditions, le nombre d’emplois menacés bondit. Tombé en 2021 sous le seuil des 100 000, il augmente très nettement et atteint 143 500. C’est près de 50 000 de plus sur un an mais encore 40 000 de moins par rapport à 2019.
Construction et commerce sinistrés
Le secteur de la construction, qui concentre le quart des faillites, repasse au-dessus des 10 000 défauts (+ 33,6 %), avec des pointes dans les travaux d’isolation (+ 94 %) et les travaux publics (+ 47 %). Le commerce approche également les 10 000 défauts (+ 55,6 %). C’est dans le commerce de détail que les tendances sont les plus sévères. On compte 874 défaillances de boulangerie – pâtisseries (+ 124,7 %), alors que les impacts des coûts de l’énergie n’étaient pas encore les plus violents. Même proportion chez les restaurateurs (+ 112,7 %). Dans l’industrie, les défaillances d’entreprises augmentent de 68 % et de 61 % de le transport de marchandises.
Thierry Millon conclut : « Il y a un an, nous rejetions l’hypothèse d’une explosion des défaillances en 2022, en anticipant malgré tout une hausse sensible des défauts. Si le cataclysme n’a pas eu lieu, le rythme est plus soutenu qu’envisagé, faisant craindre un retour aux valeurs d’avant crise plus tôt que prévu. 2019 s’était achevé sur 52 000 défaillances, 2023 pourrait dépasser ce seuil et nous ramener aux valeurs de 2017 au-delà de 55 000. Un nombre certes important mais plutôt raisonnable au regard du contexte très difficile que nous traversons.
Pour certaines TPE et PME, les chances de survie sont compromises. Pour certaines, la fragilité de leur structure financière est en cause. Pour d’autres c’est paradoxalement leur incapacité à honorer des carnets de commande pourtant bien remplis qui pourrait les amener au défaut. En cause, les difficultés d’approvisionnement, l’explosion des coûts des matériaux et les problèmes de recrutement. Dans tous les cas, les prêteurs seront plus exigeants et se concentreront sur les sociétés dont les bilans seront les plus solides.
Les contraintes financières (remboursement des dettes Covid et notamment PGE ; inflation ; hausse des taux ; facture énergétique, etc.) sont malheureusement vouées à peser toujours plus lourd. Alors que les tensions sur les trésoreries des entreprises se font déjà ressentir, le financement de l’exploitation et donc du BFR (Besoin en Fonds de Roulement) aura à n’en pas douter l’attention des directions financières des TPE PME comme des ETI. »
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