La chimie en Europe traverse une crise inédite, en net décrochage par rapport au reste du monde et à la plupart des autres secteurs industriels. En France, les entreprises anticipent une année 2024 sans souffle, après le recul de 2023.
Dans un marché mondial qui reprend, la chimie en Europe marque un nouveau recul et s’affiche en net décrochage par rapport aux autres secteurs industriels. Elle traverse une crise inédite dans sa durée (taux d’utilisation à environ 74 % des capacités industrielles depuis cinq trimestres) qui s’explique par des causes conjoncturelles (faible demande européenne et effets de déstockage) mais également structurelles comme des prix de l’énergie européenne supérieurs au reste du monde.
Ce contexte défavorable est aggravé par la politique d’investissement agressive de la Chine qui conduit à des surcapacités mondiales sur de nombreux segments, et par le bond attendu des investissements industriels aux Etats-Unis subventionnés par l’Inflation Reduction Act (IRA), ce qui pourrait accroître le retard de compétitivité de l’Europe. Si tous les grands pays de la chimie européenne sont affectés, la France semble mieux résister : sa production en volume n’a reculé que de 1% en 2023 contre 8 % en moyenne dans l’Union européenne.
Toujours en tête des secteurs industriels exportateurs, elle est aussi en pointe en termes d’innovation (4e rang mondial en termes de dépôts de brevets européens devant la Chine). Mobilisée dans sa transition écologique, elle ambitionne de réduire, d’ici 2030, ses émissions de gaz à effet de serre de 78 à 81 % par rapport à 1990 et ses prélèvements d’eau de 10 %.
Baisse des investissements
Le secteur a encore connu en 2023 une croissance nette de ses effectifs (+1,3 %, correspondant à 26 000 recrutements) et de ses apprentis. Mais la contraction industrielle plus faible de la chimie en France par rapport à la moyenne européenne est en trompe-l’œil. La forte croissance du secteur des parfums et produits cosmétiques (+15 % depuis 2021) et la meilleure tenue du secteur des spécialités chimiques comparativement à d’autres pays (-4% contre -13% en Allemagne) masquent un décrochage de la chimie de base (pétrochimie, chimie minérale, polymères) similaire à celui de ses homologues européens : ces activités souffrent d’une perte de compétitivité, aggravée par la pression d’une concurrence internationale pas toujours soumise aux mêmes exigences réglementaires.
Pour 2024, la chimie en France anticipe une baisse des investissements de croissance (-40 %) arbitrés au profit des investissements réglementaires et de maintenance (+20 %). Une large majorité des entreprises se prépare à des mesures structurelles d’économie. L’année 2024 s’annonce sans nouveau souffle, avec une croissance de la production en volume qui pourrait se limiter à 1 %. Des mesures fortes attendues par le secteur La dynamique forte qui avait été impulsée ces dernières années dans la chimie est aujourd’hui menacée. Plusieurs mesures fortes sont nécessaires afin que le secteur puisse exécuter la transition écologique de ses activités (transition énergétique, économie circulaire, évolution des portefeuilles produits et transition digitale) tout en reprenant son développement.
Au niveau européen, cet appel est relayé par plus de 1 000 entreprises, fédérations et syndicats de la Chimie et de 24 autres secteurs industriels qui ont signé la "Déclaration pour un Pacte industriel européen" listant 10 actions prioritaires. L’objectif : faire valoir l’urgence de porter une politique industrielle ambitieuse qui s’inscrive dans les objectifs environnementaux du « Pacte vert », veille à rétablir la souveraineté industrielle de l’Europe et préserve un emploi hautement qualifié sur son territoire.
Au niveau français, France Chimie a identifié 5 leviers prioritaires pour une industrie de la chimie souveraine en France :
• Répondre aux besoins en électricité bas-carbone à un prix compétitif, dans un contexte où la prochaine régulation du nucléaire se doit de préserver l’attractivité du territoire France ;
• Renforcer le plan France 2030 pour se battre à armes égales avec l’IRA ;
• Faciliter le recours aux instruments de défense commerciale pour rétablir une concurrence internationale équitable ;
• Simplifier et stabiliser la réglementation tout en l’adaptant aux nouvelles filières ;
• Préserver la compétitivité de la recherche en France par le Crédit d’Impôt Recherche et capitaliser sur l’excellence académique de la Chimie pour former les collaborateurs dont l’industrie manque et surtout manquera.
Pour Frédéric Gauchet, président de France Chimie : « L’industrie de la Chimie attend des mesures fortes des pouvoirs publics européens et français afin de restaurer sa dynamique de développement. L’objectif n’est pas seulement de contribuer au développement de filières européennes (batterie, hydrogène, santé, produits biosourcés, recyclage…), mais également d’accompagner nos sites existants pour que la Chimie continue à contribuer pleinement à une économie souveraine et décarbonée et préserve un emploi de qualité en France. »
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