Les premiers signes de tension du monde entrepreneurial relevés au premier semestre s'accentuent à l'approche de la fin d'année.
Après l'euphorie de l'année 2021, marquée par une forte poussée entrepreneuriale, la levée progressive des dispositifs de soutien couplée à un contexte économique et géopolitique morose confirment l'inversion des courbes observées en 2020 et 2021 avec un double effet en miroir : un ralentissement de la création d'entreprise et un envol des procédures collectives.
Après un été 2022 record pour les activités touristiques, la rentrée s’est accompagnée d’un retour à la réalité, celle d’une inflation proche de 6%. Si le gouvernement a pris des mesures pour contenir la progression de l’indice général des prix, l’économie française n’en a pas terminé avec le cycle inflationniste, d’autant que la faiblesse de l’euro renchérit considérablement le prix d’une partie des importations. Cette situation dégrade le pouvoir d’achat, notamment celui des salariés dont les rémunérations ne suivent pas.
Dans ce contexte d’incertitudes fortes, les ménages restent prudents et épargnent autant qu’ils le peuvent. Ainsi, la consommation reste faible, et les entreprises font donc face à une demande domestique au ralenti sans prise de relais possible par l’international.
La dynamique entrepreneuriale française, pour sa part, confirme son essoufflement avec 169 278 créations d’entreprises entre le 1 er juillet et le 31 octobre 2022, soit une baisse de 5% à un an d’intervalle. Ce chiffre est encore plus bas pour les entreprises individuelles, qui enregistrent une baisse de 14% sur la même période.
Le nombre d’entreprises en difficulté s’inscrit, quant à lui, en hausse soutenue (+66%), mais demeure à un niveau inférieur à celui de la période pré-Covid. Enfin, du côté des radiations, la situation ne se dégrade plus à un an d’intervalle : le nombre d’entreprises radiées diminue de 6% sur les quatre derniers mois.
Le secteur de l’hébergement/restauration en souffrance
L’analyse sectorielle des ouvertures de procédures collectives cache, comme à son habitude, d’importantes disparités. Si les activités immobilières et l’agriculture, sylviculture et la pêche semblent encore une fois mieux se porter que l’ensemble, avec des évolutions respectives de seulement +20% et +35% entre juillet et octobre 2022 à un an d’intervalle, l’hébergement/restauration décroche la triste palme de la croissance (+124%). Ce secteur a été le plus affecté par la crise de la Covid-19, ayant subi plusieurs épisodes de confinement, des restrictions de fréquentation et une pénurie accrue de personnel. Les dispositifs de soutien mis en place par l’Etat n’auront pas suffit à assurer la pérennité des entreprises de ce secteur. Le Commerce (+73%), les activités financières et d’assurance (+78%) et les industries manufacturières et extractives (+81) sont également lourdement touchés. Quel que soit le secteur observé, la croissance des quatre derniers mois est plus élevée que sur la tendance annuelle.
Les entreprises en difficulté sont de plus en plus jeunes
L’âge moyen des entreprises entrant en procédure collective s’établit à 8 ans sur la période du 1 er juillet au 31 octobre 2022, soit 1 an de moins à un an d’intervalle. Cette évolution s’explique par la fragilisation des entreprises les plus jeunes. Après avoir été à l’origine d’opportunités de création pour les entrepreneurs, que ce soit par nécessité (pour créer son propre emploi) ou par opportunisme (pour surfer sur la vague du commerce à distance notamment), la crise sanitaire produit désormais les effets contraires.
Le déclin de la pandémie a favorisé un retour aux comportements de consommation prévalant avant la crise, entraînant un recul massif d’activité pour ces entreprises remettant en question leur viabilité. Aussi, parmi les 10 activités enregistrant le plus de radiations parmi les entreprises créées depuis 2020 figurent en pole position les autres activités de poste et de courrier (livraison à domicile) mais aussi la vente à distance sur catalogue général ou spécialité. Notons en fin de classement la présence de la programmation informatique, activité largement plébiscitée pour accompagner les créateurs d’entreprises dans la mise en place de sites internet marchands.
Une forte poussée des ouvertures de procédures collectives quel que soit le type de jugement
Représentant plus des trois quarts des ouvertures de procédures collectives, les liquidations judicaires progressent de 64% sur la période du 1 er juillet au 31 octobre 2022, à un an d’intervalle. De leur côté, les redressements judiciaires augmentent plus vite, de 79% sur la même période, pour représenter 22% du total des procédures ouvertes.
Le nombre de liquidations judiciaires s’accélère, progressant de 64% sur la période du 1 er juillet au 31 octobre 2022, à un an d’intervalle, après une hausse de 40% au cours du 1 er semestre 2022. Traditionnellement, les mois de septembre et d’octobre se caractérisent par un rebond des liquidations, après une relative trêve estivale. Dans le détail, au sein du Top 10, figurent les composantes des trois macro-secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, à savoir, la restauration, la construction et le commerce de détail. Le soutien de l’Etat, à travers les aides publiques, permettait aux secteurs les plus touchés de maintenir la tête hors de l’eau mais la fin du « quoi qu’il en coûte » se ressent aujourd’hui très nettement dans les statistiques. Ainsi, le nombre de liquidations judiciaires enregistré dans la restauration rapide croît de 146% sur la période, la plaçant à la 1 ère place du classement. Les segments de la restauration traditionnelle et des débits de boissons accusent également de fortes hausses, de respectivement +114% et +113%.
Sur la période du 1 er juillet au 31 octobre 2022, les radiations enregistrées par les tribunaux de commerce augmentent de 16% à un an d’intervalle. Les radiations résultant d’un choix volontaire de la part des chefs d’entreprises progressent de 8%, portant à 48% leur poids dans le total des radiations. Cette part atteint même les 50% pour les SAS. Des effets d’aubaine sont apparus avec les aides gouvernementales, permettant aux dirigeants d’entreprises déjà fragiles de se désengager plus favorablement. Ce report massif vers les radiations volontaires observé depuis plusieurs mois explique également le recul des radiations d’office (-31%) et des radiations issues de procédures collectives (-15%).
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