La pénurie de main d’œuvre, le coût de l’énergie, la santé financière fragile des petites entreprises. Le transport routier peine à remonter la pente.
Bp2r, acteur majeur du conseil et de l'audit en supply chain appliqué au domaine du transport en Europe, vient de publier les résultats de sa dernière étude, réalisée en partenariat avec l'AUTF, l'organisation professionnelle des chargeurs.
Les volumes se sont bien tenus en 2021, ce qui s’explique bien sûr par le rattrapage de l’année 2020 et la meilleure santé de l’économie. Avant la crise ukrainienne, 75 % des chargeurs prévoyaient une augmentation de l’activité, mais la donne devrait changer. « Nous ne pouvons pas encore estimer quel sera l’impact sur les volumes transportés, mais des conséquences se feront sentir sur le trafic international », explique Alexandre Vienney, Directeur Pôle Distribution Expertise de bp2r, citant l’exemple de la Pologne, le plus grand pavillon de transporteurs d’Europe et qui fait appel à plus de 100 000 chauffeurs ukrainiens. « Nous avons de doutes sur la disponibilité de ces ressources pour les moins à venir », constate-t-il. La question des coûts du carburant vient également complexifier la donne. « 2022 ne sera pas une année facile », poursuit-il.
Sous-capacité
Une des soucis du secteur est la sous-capacité de transport, qui touche 6 entreprises sur 10. Les causes sont connues : pénurie de main d’œuvre, réglementations qui se durcissent (l’entrée en vigueur progressive du paquet européen génère de nouvelles contraintes), marché très atomisé avec beaucoup de petites entreprises qui encaissent mal les crises qui se succèdent depuis plusieurs années. « On constate de plus en plus de reports, d’annulation de prises en charge de marchandises, en dehors du colis, porté par l’e-commerce », souligne Alexandre Vienney.
Une de craintes les plus exprimées par les professionnels réside dans la situation financière critique de nombreux transporteurs. « On constate un très gros manque de cash pour financer la reprise. Les défaillances sont en hausse et les prochains mois pourraient bien être très critiques pour de nombreux transporteurs, surtout les plus petits d’entre eux ».
Défaillances à venir
Pour sécuriser leur activité face au problème capacitaire, les chargeurs misent sur diverses stratégies en 2022, parmi lesquelles apparaissent en tête l'amélioration du remplissage (54%) et une meilleure répartition de leurs flux parmi les prestataires pour gagner en attractivité auprès de ces derniers (46%). Ils ne sont que 21% à se déclarer prêts à accepter de fortes revalorisations tarifaires et privilégient d'autres façons d'accompagner leurs transporteurs (par exemple avec des contrats plus longs).
Les grands enjeux de 2022 restent sensiblement les mêmes qu'en 2021 pour les chargeurs, leurs priorités étant la qualité de service, la maîtrise des coûts et la résilience de l'activité. On observe toutefois une prise d'importance de la RSE. 84% des chargeurs estiment devoir contribuer à la digitalisation et à la décarbonation de l'activité de leurs prestataires de transport.
« Toutefois, les problématiques de fond du transport routier ne changent pas » précise Valérie Cornet, déléguée aux transports terrestres de l'AUTF. « Structurellement, l'offre de transport se raréfie et se renchérit et le cadre n'est donc plus le même. Si cela a des conséquences néfastes à priori, finissons sur une note positive : les chargeurs ont des leviers à disposition pour faire face à cette nouvelle donne, comme massifier ou réduire leurs besoins de transport en repensant leur Supply Chain ! Il faut en revanche s'en donner les moyens, notamment budgétaires. C'est d'autant plus intéressant que les effets de ces actions seront bénéfiques aussi pour l'environnement. En bref, on ne peut plus traiter le transport comme une commodité. »
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