Des sénateurs viennent de prendre une position forte en faveur du nucléaire civil, comme moyen d'assurer l'indépendance énergétique de la France.
La commission des affaires économiques du Sénart a confié à ses rapporteurs, une mission d’information sur l’énergie et l’hydrogène nucléaires. Dans un contexte de grave crise énergétique, renforcée par les perspectives d’un conflit durable en Ukraine, ils ont estimé indispensable de réaliser un point d’étape sur la sécurité d’approvisionnement électrique.
Leur constat est sans appel : l’activité de production nucléaire du groupe EDF est tombée à un niveau jamais vu depuis le début des années 1990. Le groupe a annoncé 12 arrêts de réacteurs nucléaires fin février et une production historiquement faible cette année, entre 295 et 315 térawattheures (TWh). Parmi ces arrêts, certains sont liés aux contrôles dus au phénomène de « corrosion sous contrainte » : 5 réacteurs sont actuellement l’objet de contrôles et 6 autres le seront sous 3 mois.
Peu de diversité
« Si le Président de la République, le 10 février, à Belfort, a fait des annonces en direction des énergies nucléaire comme renouvelables, elles interviennent très tardivement, à la toute fin du quinquennat, et ne sont, pour l’heure, aucunement suivies d’effets ! Or, la « renaissance » de la filière nucléaire doit s’appuyer sur un cap clair, des actes concrets et des investissements massifs. Pour conforter durablement notre sécurité d’approvisionnement, il faut investir massivement dans l’énergie nucléaire. Les dispositions réglementaires de la PPE, prévoyant des arrêts de réacteurs, doivent être abrogées sans tarder », soulignent les sénateurs.
Si la situation du parc nucléaire n’est donc pas satisfaisante, la diversification du mix électrique n’est pas d’un grand secours cet hiver, Réseau de transport d’électricité (RTE) considérant la production d’énergie éolienne faible voire nulle, la capacité des batteries limitée et celle des effacements de consommation inconnue. À l’inverse, les conditions météorologiques sont pour lui favorables.
La question de la décarbonation
Cette situation nuit à notre transition énergétique, le Gouvernement ayant rouvert les centrales à charbon, par un décret du 5 février 2022, au mépris de l’engagement pris par la loi « Énergie‑Climat » ; et pénalise notre indépendance énergétique, RTE relevant un recours « quasi systématique » aux importations depuis novembre, avec des pics proches des « capacités techniques maximales » d’importation en décembre. Toujours selon RTE, 390 à 470 heures d’électricité ont déjà été produites par ces centrales début février. À plus long terme, la question de l’atteinte de nos objectifs de décarbonation, qui nécessite une électrification massive, est posée. Cette situation de tension nuit à notre indépendance énergétique. Selon RTE, la France a importé de manière « quasi systématique » depuis novembre, avec des pics proches des capacités techniques maximales fin décembre. De 2019 à 2020, la crise de la Covid-19 avait d’ailleurs conduit à une baisse de 7 % des exportations et une hausse de 22 % des importations. De plus, on avait dénombré 43 jours d’importation en 2020, contre 18 en 2019. Tout cela présente de lourds risques pour les consommateurs d’énergie – ménages, entreprises et collectivités –, RTE excluant un « black‑out » généralisé, mais envisageant sérieusement des « coupures ciblées, locales, temporaires et maîtrisées ».
Douze préconisations
Cette situation pourrait perdurer et s’aggraver : la situation de « vigilance particulière », identifiée par RTE, court jusqu’en 2024. Elle était prévisible. Ses causes sont, en partie, conjoncturelles, liées à l’impact de la crise de la Covid‑19 sur le « programme d’arrêts de tranche » du groupe EDF. Elles sont surtout structurelles, en raison du manque de constance et d’anticipation de la politique nucléaire du Gouvernement. Il en résulte une baisse des capacités de production nucléaire particulièrement préoccupante, alors que, par ailleurs, la France dépend, pour près de 20 % de ses approvisionnement en gaz, de la Russie.
Dans ce contexte, les rapporteurs formulent 12 préconisations, réunies en 3 axes, pour renforcer la sécurité d’approvisionnement électrique, en relançant massivement l’énergie nucléaire, aux côtés des énergies renouvelables.
Pour ce faire, ils préconisent de :
- réviser le cadre stratégique, en s’appuyant sur un cap clair, des actes concrets et des investissements massifs en direction de l’énergie nucléaire ;
- consolider le système de détection et d’intervention, sur le plan de la sécurité d’approvisionnement ;
- mobiliser tous les leviers de pilotage disponibles, en matière de production comme de consommation.
Pour Sophie Primas, sénatrice de Yvelines et présidente de la commission des affaires économiques, « l’énergie nucléaire constitue la clé de voûte de notre transition et de notre souveraineté énergétiques. Je regrette que l’Exécutif ait attendu les derniers mois du quinquennat pour s’en soucier malgré les nombreuses alertes du Sénat ! Une politique énergétique, a fortiori nucléaire, ne s’improvise pas. Elle nécessite de la constance et de l’anticipation, des investissements constants dans la recherche. L’arrêt de recherches sur la ″fermeture du cycle du combustible″, c’est‑à‑dire la réutilisation des combustibles usés, est une faute. L’enjeu est de réussir la mutation de notre système de production et de consommation d’énergie, pour atteindre la ″neutralité carbone″ à l’horizon 2050 ! »
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