Le crowdfunding, qui continue de subir la crise du secteur immobilier, démontre par la baisse de son activité l’atonie de l’économie française
Après près d’une décennie de croissance soutenue, marquée par le passage symbolique des 10 milliards d’euros collectés en cumul, le financement participatif connaît une deuxième année de repli. En 2024, 1 731 millions d’euros ont été collectés, soit une baisse de 17,1 % par rapport à l’année 2023, selon les chiffres publiés par Forivs Mazars et France FinTech. Cette évolution s’inscrit dans un contexte marqué par des turbulences macro-économiques et géopolitiques, ainsi que par une crise immobilière persistante.
Depuis la mise en place d’un cadre réglementaire en France en octobre 2014, le crowdfunding s’est progressivement structuré, s’imposant comme un mode de financement reconnu pour une grande diversité d’acteurs économiques. Malgré un environnement moins favorable, le second semestre 2024 a montré des signes de reprise, laissant entrevoir un possible rebond en 2025. Cette dynamique dépendra toutefois de la confiance des investisseurs et des entreprises, ainsi que des orientations des politiques publiques, dans un contexte où plus de 65 000 entreprises ont fait faillite en 2024.
Les tendances décelées par le baromètre du crowdfunding s’expliquent principalement par l’impact prolongé de la crise immobilière, qui continue de peser sur la collecte en obligations et Et absence de décollage de l’investissement en capital, freiné par l’instabilité institutionnelle et les incertitudes autour des dispositifs fiscaux et de soutien à l’innovation, éléments clés de ce segment.
Parmi les autres raisons des difficultés, la reconfiguration du secteur du prêt et de l’investissement autour de l’agrément de Prestataire de Services de Financement Participatif (PSFP) en application du règlement (UE) 2020/1503. Trois plateformes avaient déjà obtenu cet agrément en 2022, 42 plateformes l’ont obtenu en 2023 et 14 au cours de l’année 2024. On constate aussi une montée en puissance du don, seul segment en croissance, bénéficiant d’une dynamique indépendante du marché de l’épargne et qui s’impose comme un levier majeur pour les particuliers et l’économie sociale et solidaire.
L’immobilier, une locomotive au ralenti
Après une année 2023 déjà difficile, le crowdfunding immobilier connaît un net repli, avec une baisse de 25,8 % en 2024, dépassant le recul global du secteur (-17,1 %). Ainsi, ce segment ne représente désormais plus que 49,7 % de la collecte totale, contre 55,6 % en 2023 et 68,2 % en 2022, confirmant son déclin relatif au sein du financement participatif. Le marché reste très majoritairement orienté vers le résidentiel, bien que sa part recule (49 % en 2024 contre 77 % en 2023). On constate l’apparition d’opérations « mixte » du type « résidentiel/commerce/bureau ». Les opérations de marchands de biens restent prépondérantes (56 %) et la promotion immobilière pure connait une légère augmentation (32 % en 2024 contre 29 % en 2023). Parmi les projets financés, 23,4 % concernent des projets d’amélioration de la performance énergétique. La rénovation des actifs de centre-ville, la transformation et les opérations de recyclage urbain connaissent en revanche une certaine dynamique.
Les difficultés de remboursements, déjà en hausse en 2023, se sont accentuées en 2024, avec 15 à 20 % des projets accusant un retard de plus de six mois. Certains de ces projets ont même basculé en procédure collective, représentant désormais 6 à 8 % des opérations en cours. Enfin, les pertes définitives sont estimées entre 4 et 6 % des projets.
Le crowdfunding des énergies renouvelables (EnR) affiche un léger retrait de - 4 % en 2024 et enregistre une collecte annuelle de 352 millions d’euros. Le nombre de projets évolue quant à lui de – 11,7 %. Le crowdfunding dédié aux énergies renouvelables représente désormais 20,3 % de la collecte globale. Les opérations de collecte portent en premier lieu sur des projets lié à l’énergie solaire (67 %) qui devance largement l’éolien (12 %), le biogaz (9 %) et le stockage (4 %).
Le réflexe du don
La collecte en don est en forte progression par rapport à 2023. Avec 161 861 projets financés pour plus de 3,7 millions de financeurs, dans l’immense majorité des particuliers, le crowdfunding confirme son rôle d'outil au service de la culture et de projets à dimension solidaire. Le secteur culturel – qui comprend entre autres les arts plastiques et le spectacle vivant – est l’un des grands bénéficiaires de ce mode de financement, avec 80,2 millions d’euros collectés. Les projets de solidarité ont aussi connu un grand succès cette année. Ils cumulent 82,4 millions de fonds collectés, devant le secteur économique, qui enregistre une collecte de 16,3 millions d’euros. Au fil des années, le crowdfunding en don devient un automatisme pour les associations qui cherchent à diversifier leurs ressources de financement et pour les entrepreneurs qui souhaitent tester l’appétence d’un public avant de se lancer.
Les chiffres du financement participatif en prêt ont connu une baisse de -18,8 % cette année. En cause, le repli de l’immobilier et la légère baisse de l’EnR, qui ne vient pas cette fois-ci compenser les difficultés auxquelles fait face la locomotive du financement participatif. Pour faire face aux exigences des investisseurs et des plateformes, la sélection des projets est de plus en plus drastique avec, sur l’obligataire, 4 points de base de moins que l’an passé. Les plateformes, échaudées par les déconvenues de certains porteurs de projet, se montrent plus attentives à la qualité des projets. Désormais, à peine plus d’un projet sur 10 adressés aux plateformes est présenté sur le web.
Avec 202,5 millions d’euros collectés en capital ou en royalties, contre 267,2 millions en 2023, l’année 2024 n’a pas été l’année attendue pour le crowdfunding en investissement malgré le dynamisme des multiples écosystèmes d’innovation auxquels il est lié.
Florence de Maupeou, Directrice générale adjointe relations institutionnelles et financement participatif chez France FinTech, déclare : « Secteur miroir de l’économie française, le crowdfunding subit de plein fouet la crise immobilière et l’incertitude fiscale (lorsque les dispositifs de soutien à l’innovation vacillent, l’investisseur devient plus frileux). Toutefois, une consolidation est en cours qui apporte une structuration bienvenue et signe d’une maturité grandissante. Avec l’agrément européen, des plateformes étrangères s’implantent en France, et à l’inverse, les acteurs français doivent saisir l’opportunité d’une expansion européenne pour accélérer leur croissance. »
Commentaires
Aucun commentaire
Ecrire un commentaire
Pour écrire un commentaire vous devez vous connecter à votre compte.
Si vous n'avez pas encore de compte nous vous invitons à vous inscrire gratuitement.