La plupart des secteurs d’activité a connu une hausse en 2021. Une performance qui doit être regardée avec précaution en fonction d’une année 2020 catastrophique et d’une année 2022 lourde de menaces.
+ 8,2 % : les TPE ont connu une année 2021 qui pourrait paraître remarquable selon l’enquête réalisée par la Fédération des Centres Agréés (FCGA), réalisée en partenariat avec Banque Populaire*.
Mais une statistique d’évolution n’a de valeur que quand elle se compare au passé. Et en 2020, l’activité s’était effondrée de 9 %. Le gouffre n’a donc pas été comblé. « C’est un rattrapage, pas une grande évolution, un retour mécanique à la normale », estime Yves Mamont, président de la FCGA.
Pour rappel, l’activité globale était en baisse de – 1 % en 2017, de – 0,8 en 2018 avant de connaître une légère hausse de + 0,6 % en 2019. C’est donc une tendance moyenne relativement négative depuis plusieurs années qui frappe l’activité des TPE.
Quelques secteurs ont particulièrement bien tiré leur épingle du jeu l’an dernier, et il faut y voir un effet direct des bouleversements sociaux entraînés par la crise sanitaire.
Se faire plaisir
L’équipement de la maison est ainsi en hausse de + 18,8 %. Le confinement, le télétravail sont autant de raison de chercher à améliorer son logement, puisqu’on y passe plus de temps. Les banques ont également pu mesurer la part très importante prise par ces dépenses dans les prêts à la consommation qu’elles ont consenties. Dans le même ordre d’idée, l’ameublement est en hausse de + 14 %. Les ventes ont représenté 14,5 milliards d’euros selon la Conférence nationale de l’équipement du foyer.
Le commerce de détail alimentaire affiche un beau + 5,1 %, avec des situations contrastées, l’alimentation générale en baisse de 3,8 % (la concurrence des grandes surfaces reste prégnante), mais les fruits et légumes ou encore la boucherie-charcuterie ont connu des performances intéressantes. La crise Covid a initié de nouveaux usages, de nouvelles habitudes de consommation, autour de la qualité et des circuits courts.
On s’occupe de sa maison, de son alimentation, mais on s’occupe aussi de soi : la beauté esthétique explose à + 17,2 %, la coiffure à + 18 %. L’envie de se sentir bien, le fait de retourner au travail ou dans des lieux de loisirs, peut-être le besoin de se préparer à la fin du port du masque obligatoire sont autant de raisons qui ont porté ces secteurs. Se faire plaisir, c’est aussi offrir des fleurs (+ 25 %) ou des bijoux. L’horlogerie – joaillerie est en hausse de + 32 % après de nombreuses années de baisse.
Le bâtiment va bien lui aussi. + 8,4 %, avec le poids de l’entretien – rénovation et de l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Mais les problèmes d’approvisionnement et de coût des matières premières vont pour le moins ralentir le rythme, selon les estimations de la CAPEB.
Le seul secteur qui continue de souffrir est celui des CHR, avec un taux de -1,3 %, malgré une période estivale encourageante.
Les bonnes nouvelles ont un coût
Une fois constatées ces belles performances (dont il faut se réjouir), qu’en est-il réellement de l’état de santé des TPE ? C’est là que le paysage s’obscurcit.
D’abord au niveau macroéconomique. Le PIB a frôlé les + 7 %, il est à 0 % au 1er trimestre, désavouant certain discours très optimistes des experts qui, certes, ne pouvaient pas prévoir la guerre en Ukraine, mais l’estimation de + 3,6 % peut déjà être mise aux oubliettes, le conflit devant peser pour au moins 0,7 à un point. Et sans croissance dynamique, plusieurs secteurs risquent de souffrir. S’ajoutent l’inflation, le coût de l’énergie, la pénurie de matière première, ou encore les problématiques de recrutement. Car si le fameux « million » de créations d’entreprise a été porté au pinacle par certains commentateurs, c’est oublier qu’il a été initié en très grande majorité par des micro-entrepreneurs, et que ceux-ci sont des salariés en moins, notamment dans le CHR.
D’autre part, si le débat de la dette a été occulté pendant la campagne électorale, il faut rappeler qu’une dette publique à 113 % du PIB n’est pas une situation tenable. « Les bonnes nouvelles ont un coût », rappelle Yves Marmont, qui voit s’assembler « tous les ingrédients d’une grande incertitude ».
Si on a beaucoup entendu parler du mur des faillites, ce sont en fait une multitude de murs qui se dressent devant les dirigeants : mur d’amortissement, de dettes sociales, d’approvisionnement, et bien d’autres encore. Une Grande Muraille de difficultés qui laisse craindre une année 2022 très compliquée.
Car le quoiqu’il en coûte va coûter cher. « L’Urssaf a joué un jeu dangereux en ayant reporté de manière unilatérale les cotisations, sans prendre le temps d’analyser les situations précises. Les rattrapages vont poser des problèmes », analyse Yves Marmont. Et puis on entre dans la phase de réel amortissement des PGE. « La grande majorité des PGE est sur une durée d’amortissement de 4 à 5 ans. On ne peut pas savoir comment elle va être assumée », souligne Bertrand Magnin, directeur du développement de la Banque Populaire.
Pour ce banquier, si « aujourd’hui on ne perçoit pas de difficulté particulière, mais on sait qu’on se dirige vers une augmentation des faillites. Le nombre habituel est de 50 000 par an. On est très loin de ce chiffre sur les deux dernières années, les rattrapages vont survenir ».
Certes, beaucoup de sociétés ont commencé à pivoter, à chercher et trouver de nouvelles façons de travailler. « Artisans et commerçants sont aussi dans l’acquisition de ces nouvelles pratiques, de l’apprivoisement de ces nouvelles méthodes », remarque Bertrand Magnin. Il est certain que personne ne pourra négliger la transition numérique et environnementale. Mais les TPE commencent seulement, pour toutes sortes de raisons, la principale étant que ces deux années ont perturbé les réflexions et les projections des dirigeants. « Ils ont d’autres sujets en tête », conclut Yves Marmont.
* L’enquête porte sur douze secteurs d’activité : équipement de la maison, beauté -esthétique, équipement de la personne, transports, services, entreprises de parcs et jardins, artisanat du bâtiment, vente et réparation automobile, métiers de la santé, commerce de détail alimentaire, culture et loisirs, cafés – hôtels et restaurants.
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