La souffrance au travail progresse

Burnout, bore-out, blur-out et "bullshit jobs" : quand l'absence de sens et le manque d'activité deviennent les premiers facteurs de détresse au travail en France.

Près de 53% des salariés sont en souffrance, avec des niveaux de stress élevés en progression de 13% par rapport à l'enquête 2023. Cet indicateur reflète une crise de sens et d’alignement entre aspirations individuelles et modèles organisationnels, selon le baromètre d’Ignition Programme, agence conseil en RH. Les petites entreprises (TPE) connaissent une hausse marquée, passant de 42 % en 2023 à 58 % en 2024, tandis que les grandes entreprises restent à un niveau élevé (+9 %).

Ces formes variées de souffrance traduisent des problématiques allant bien au-delà des conditions de travail ou du management toxique. Elles interrogent la pertinence même des modèles actuels d’organisation du travail, notamment avec la montée des “bullshit jobs”, perçus comme inutiles ou dénués de sens par de nombreux salariés. Pour mettre fin à cette crise au travail, il ne suffit plus de prévenir le stress ; il faut réinventer le travail pour offrir utilité, clarté et équilibre.


Pour Nicolas Lepercq, Docteur en Management et Responsable R&D d’Ignition Program : “Ce baromètre révèle une réalité bien plus complexe que la simple notion de burn-out comme mal du siècle. Les données montrent une montée en puissance de formes moins visibles, mais tout aussi délétères, comme le bore-out, le brown-out et le blur-out. Ces phénomènes traduisent des causes multiples, allant de l’ennui à une perte de sens, jusqu’à la confusion entre vie professionnelle et personnelle. Si le stress reste omniprésent, il est essentiel de comprendre que la souffrance au travail n’est pas uniquement liée à une pression excessive ou à des conditions de travail difficiles. Elle découle également d’un désalignement croissant entre les aspirations des salariés et les modèles organisationnels actuels".


Une souffrance multiforme en hausse


Les chiffres montrent une progression inquiétante des symptômes de souffrance au travail. En 2024, 62 % des répondants déclarent souffrir d’épuisement physique, une augmentation de 11 points par rapport à 2023. 
De même, 51 % rapportent une distance émotionnelle accrue (+11 points), marquée par des difficultés à établir des relations professionnelles, un manque d’empathie et une perte de confiance en soi. 


La distance mentale, reflétant un désengagement ou une intention récurrente de quitter son emploi, touche désormais 47 % des salariés, une hausse de 9 points. 


Enfin, la déficience cognitive, qui impacte la mémoire, la concentration et l’adaptabilité, concerne 45 % des participants (+7 points).


Ces données témoignent d’une évolution des facteurs de stress. L’épuisement physique et mental ne se limite pas à la surcharge de travail. La perte de sens (brown-out), l’ennui (bore-out), et la confusion entre vie personnelle et professionnelle (blur-out) émergent comme des problématiques majeures. Ces tendances traduisent une inadéquation croissante entre les attentes des salariés et les structures organisationnelles.


Générations et responsabilités : des profils à risque


Les jeunes salariés de 18 à 25 ans sont surreprésentés parmi ceux souffrant de désengagement (+10 %). La tranche d’âge des 46-55 ans affiche également des niveaux de souffrance élevés (+9 %), en lien avec une difficulté à se projeter professionnellement. 


Les managés, comparés aux managers, présentent un risque accru sur plusieurs dimensions : +16 % pour la distance mentale, +5 % pour l’épuisement physique et +3,5 % pour la distance émotionnelle. En revanche, les managers de grandes équipes semblent mieux résister au stress, avec une sous-représentation de 4,5 %.


La quête de sens est particulièrement aiguë chez les jeunes salariés, souvent confrontés à des emplois jugés déconnectés de leurs aspirations. À l’opposé, les managés, qui subissent un manque de soutien et de reconnaissance, affichent des symptômes significatifs de désengagement. Ces dynamiques reflètent une fracture générationnelle et hiérarchique croissante.
 

   
 
 

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