Face à une orgie ininterrompue d’informations, les Français sont de plus en plus nombreux à s’en détourner.
53 % des Français souffrent de « fatigue informationnelles » dont 38 % de façon intense, ce qui pourrait les conduire à cesser de s’informer. Une situation qui fragilise les individus mais aussi les institutions qui s’adressent à eux et, ultimement, la société dans son ensemble.
Un flux permanent
Nous sommes entrés extrêmement rapidement dans une société précisément dite « de l’information » dans laquelle des quantités inédites de contenus sont devenues disponibles d’un simple clic.
Si, en 2005, un Français sur deux (52 %) était connecté, ils sont désormais plus de 9 sur 10 (92 %). Il y a dix ans, 17 % possédaient un smartphone, ils sont aujourd’hui 83 %. 23 % étaient sur les réseaux sociaux, ils sont à présent plus des deux tiers (67 %).
Désormais, les Français utilisent en moyenne 8,3 canaux pour s’informer. Avec un rapport aux informations qui est aussi devenu plus actif : 40 % les partagent sur les réseaux sociaux, 30 % les commentent. C’est donc tout un écosystème qui s’est tout à la fois enrichi et fragmenté, et le potentiel d’accès des Français à l’information – et au-delà leur rapport à celle-ci – qui s’en est trouvé fondamentalement transformé. Le flux est permanent, le volume sans limites…
Une nouvelle économie de l’attention
Cette question du volume d’informations a elle-même induit des effets puissants sur la logique économique des médias. L’attention est devenue la ressource la plus rare et précieuse, objet d’une compétition féroce. Tout le monde, des médias aux annonceurs en passant par les plates-formes sociales, se dispute aujourd’hui cette attention dans ce que le sociologue Dominique Boullier nomme « un grand réchauffement médiatique ».
Tous les moyens semblent bons, y compris l’utilisation des puissants ressorts de l’émotion, biais cognitifs et activateurs de dopamine. Rien d’étonnant à ce qu’un Français sur deux (52 %) avoue « avoir du mal à s’empêcher de cliquer sur certains titres même s’ils savent d’avance que ce sont des informations futiles ». Une réactivité qui contribue à la fatigue et altère la réflexion.
Un changement de régime de vérité
Pendant longtemps, de grands récits ont fixé le cadre de la vérité. Des récits religieux ou politiques qui pouvaient être enfermants voire dangereux, mais qui avaient un mérite : un début, une fin et une explication globale sur la marche du monde. Ces récits ont volé en éclat et le résultat génère, comme l’explique le philosophe Bernard Williams, d’une part un attachement intense à la véracité et à la transparence, un souci de ne pas se laisser (de nouveau) tromper, un refus obstiné d’être dupe (qui conduit parfois à une attitude de défiance généralisée). Mais, d’autre part, une défiance tout aussi grande à l’égard de la vérité elle-même : existe-t-elle vraiment ? Si oui, peut-elle être autrement que relative, subjective, culturelle, contextuelle ? Deux attitudes qui devraient s’exclure mutuellement mais sont en fait mécaniquement liées, puisque le désir de vérité suffit à enclencher un processus critique qui vient ensuite fragiliser l’assurance qu’il y aurait des vérité sûres.
C’est dans cette brèche cognitive que s’engouffrent de manipulateurs de tout poil, à coup d’informations tronquées, dévoyées, d’affirmations qui font beaucoup plus de bruit que leurs démentis, de dizaines de prédictions (et il y a en toujours une qui s’avère exacte, renforçant leur emprise), de matraquages en boucle de mensonges, qui finissent par s’imposer dans des cerveaux mal préparés ou trop exposés. Sans compter l’arrivée de l’intelligence artificielle et notamment des logiciels de photo-montage qui enfonce encore plus le clou. En ouvrant très largement la focale de l’information, via le cheval de Troie des médias sociaux, la société moderne est peut-être en train de la tuer.
(source ObSoCo)
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