Les chiffres des défaillances d’entreprises ne cessent de gonfler. Et tout indique que la tendance va s’amplifier.
Lentement, enfin de moins en moins lentement, mais sûrement, la marée des défaillances d’entreprises déferle sur l’économie française. Ceux qui gardaient les yeux volontairement fermés devant cette évidence vont devoir les rouvrir. Il était, c’était à la fois arithmétique et économique, impossible de demeurer dans les faibles taux enregistrés pendant les premières vagues de la crise sanitaire, sous la double influence des aides gouvernementales et de la fermeture des tribunaux de commerce.
Avec 9826 procédures collectives ouvertes entre le 1er avril et le 30 juin, le niveau des défaillances augmente de 49 % par rapport au 2eme trimestre 2021, après avoir atteint +35 % au 1er trimestre.
Sur 12 mois glissés, 34 200 entreprises ont fait défaut. La hausse générale est « seulement » de 15 % en raison des niveaux de juillet à octobre 2021 qui étaient encore à la baisse (-16 %). En tendance annuelle, les volumes de défaillances sont donc plutôt similaires à la situation de fin 2020. (35 500 en octobre 2020 et 34 000 en novembre 2020 sur 12 mois glissés).
Avec 289 dossiers enregistrés ce trimestre, le nombre de procédures de sauvegarde est au plus haut depuis 2018 et augmente de 75 %. Ce dispositif représente cependant seulement 3 % de l’ensemble des procédures.
Les procédures de redressement judiciaire (RJ) sont en hausse rapide de 55,5 % pour 2325 jugements prononcés. Elles représentent moins d’un jugement sur quatre (24 %), un taux très en-dessous des 30 % relevés au 2e trimestre 2019.
73 % des jugements se concluent sur des liquidations judiciaires directes (LJ), un taux très supérieur aux niveaux observés traditionnellement (68 %). Elles ont visé 7212 entreprises, soit une augmentation de 46,4 %.
Les niveaux sont au plus haut depuis octobre 2020. S’ils restent inférieurs à ceux de 2019, année de référence pré Covid, l’écart se resserre. Avec 800 entreprises qui tombent en défaut chaque semaine, les courbes laissent présager un total de 37 000 défauts sur l’année 2022. Le retour à la réalité est cruel, et il est plus que certain qu’en 2023, le chiffre des 40 000 sera dépassé.
« Les plus petites entreprises de moins de 3 salariés sont les plus touchées, en particulier les plus jeunes, qui présentent des taux de liquidation identiques à 2019. Autre signal d’inquiétude, les PME sont aussi de plus en plus nombreuses à faire défaut et retrouvent des seuils identiques à l’avant crise », remarque Thierry Millon, directeur des études Altares, expert historique et référent de la data d’entreprise, auteur de cette étude.
Ainsi, 93 % des entreprises en cessation de paiement sont des TPE, une part relativement constante. Avec 9095 procédures enregistrées, leur nombre augmente de 47 % sur un an.
Des créations qui ne tiennent pas
On a beaucoup entendu certains experts se féliciter haut et fort de la hausse des créations d’entreprises. Le million enregistré en 2021 portait à 2,6 millions le nombre de nouvelles entreprises en trois ans. Mais ces structures commerciales sont aussi les plus fragiles. Elles représentent 85 % des défaillances et même 93 % des défaillances d’entreprises de moins de 3 ans. Certes, on crée plus d’entreprises mais on en perd plus.
Un des indicateurs les plus marquants de ce trimestre concerne justement les jeunes structures dont les niveaux de défaillances explosent de 136 %, avec 1750 procédures ouvertes. 1411 d’entre-elles ont été directement liquidées, un nombre très proche de celui du 2e trimestre 2019 (1431). Les jeunes restaurateurs, particulièrement fragilisés, sont quasi cinq fois plus nombreux qu’un an plus tôt à faire défaut.
D’ailleurs, dans ce secteur, le nombre de défaut a plus que doublé en un an. Dans le commerce, la situation s’est très nettement dégradée dans les activités de détail où le nombre de défaillances a presque doublé (+ 73 %). Dans le bricolage et équipement du foyer (+ 93 %) la hausse s’accélère également, en particulier pour la vente de meubles et les magasins multi-rayons (+ 92 %), essentiellement en alimentation générale. D’autres domaines sont tout aussi touchés : les soins de la personne et l’optique (+ 81 %), le commerce d’habillement (+ 68 %), les salons de coiffure et instituts de beauté (+ 111 %). Hausse également à trois chiffres pour l’agroalimentaire (+ 160 %), une statistique portée essentiellement par des artisans boulangers-pâtissiers. La construction résiste un peu mieux (+ 24 %), mais les transports souffrent (+ 71 %).
Toutes les régions sont touchés. Mais, alors qu’elle concentre traditionnellement le quart des défaillances dans le pays, l’Ile-de-France résiste particulièrement mieux que la moyenne en ce 2 ème trimestre avec une hausse de 28 % des défaillances (vs. 49 % au national), une situation diamétralement inverse à celle de 2021. En revanche, les Hauts-de-France sont à + 95 %, la Normandie à + 86 %, le Centre-Val-de-Loire à + 84 %, la Bretagne à + 890 %.
Thierry Millon conclut : « Ce premier semestre se termine sur une tendance sans équivoque : la remontée des défaillances amorcée en fin d’année dernière est très nette. Pourtant le climat des affaires ne s’effondre pas. Notre tissu d’entreprises résiste donc mais les courbes que nous observons doivent nous préparer à enregistrer entre 35 000 et 40 000 défauts à la fin de l’année. Car le spectre de la récession plane et les entreprises ne pourront continuer à piocher éternellement dans leur trésorerie en attendant la reprise de la consommation des ménages. Pour l’heure, Altares observe que les retards de paiement sont encore globalement maitrisés. Un signal d’autant plus important alors que la relation fournisseur et la résilience des chaines d’approvisionnement ont été particulièrement malmenées au gré des confinements successifs et de la guerre en Ukraine. »
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