Défaillances : le choc

17 000 défaillances d’entreprises au 1er trimestre 2024, au plus haut depuis près de 10 ans 

Le groupe Altares, expert historique et référent de la donnée d’entreprises, dévoile aujourd’hui les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 1er trimestre 2024. Alors que la situation reste très tendue pour les entreprises et sur le front de l’emploi, de premiers signaux faibles d’accalmie émergent dans certaines activités.

17 088 entreprises sont tombées en défaillance entre le 1er janvier et le 31 mars 2024, soit une hausse de 19,4 % par rapport à la même période de 2023. La France se rapproche ainsi de sa sinistralité de début 2015 à 18 134.

Avec 349 jugements enregistrés ce trimestre, le nombre de procédures de sauvegarde est en hausse de 13,7 %. Cet outil d’anticipation retombe à seulement 2 % de l’ensemble des procédures.

Les redressements judiciaires (RJ) sont en hausse rapide de 44,6 % pour 4 743 jugements prononcés. Ce nombre est au plus haut depuis début 2016 (4 835). Les redressements représentent désormais plus d’un jugement sur quatre (27,8 %).

Les jugements en liquidation judiciaire (LJ) augmentent moins vite (+11,8 %). 11 996 liquidations directes ont été prononcées, un nombre qui se rapproche des 12 487 de début 2015.

 Thierry Millon, directeur des études Altares : « Au terme de ce premier trimestre, le nombre des défaillances d'entreprises augmente encore et la barre symbolique des 60 000 défauts sur 12 mois a été franchie en février pour la première fois depuis l'été 2016. Mais une lente amélioration se dessine. A la faveur d’un mois de mars ‘mieux orienté’, l’augmentation des faillites reste sous la barre des 20 %. La situation s’améliore pour les activités en lien avec le consommateur, ralentissant fortement la sinistralité chez les TPE. En revanche, les tensions restent très fortes pour les grosses PME (50 à 200 salariés) dont le nombre de défauts augmente de près de 60 %. La fragilité de ces employeurs fait peser une menace sur près de 59 000 emplois à terme. »

15 600 TPE frappées

Les TPE constituent toujours l’essentiel des défauts (92 %). Ce trimestre, 15 600 TPE de moins de 10 salariés sont tombées en défaillance. Mais le rythme décélère : un peu moins de 19 % d’augmentation des défauts contre plus de 42 % au T1 2023.

En revanche, le bilan est plus contrasté pour les PME-ETI. 1 444 sociétés d’au moins 10 salariés ont fait défaut au cours de ce premier trimestre 2024, en augmentation de 28 %. A noter que la dégradation était deux fois plus rapide un an plus tôt (+ 59 %).

La situation est particulièrement tendue pour les plus grandes PME de plus de 50 salariés. 154 ont fait l’objet d’une procédure collective, un nombre au plus haut depuis plus de dix ans (156 en T1 2013). Le nombre d’ouvertures flambe de 58 % chez les PME de 50 à 200 salariés.

En dépit de la fragilité des PME, le nombre d’emplois menacés par ces procédures retombe légèrement sous 59 000. 27 500 de ces emplois sont attachés à des structures ayant été liquidées.

Les plus jeunes entreprises résistent mieux

Les jeunes entreprises, créées à partir de 2022, démontrent une plus forte résistance que la moyenne. 1 610 sont tombées en défaillance, soit ‘seulement’ 5,9 % de plus qu’au T1 2023.  Ces structures, qui ne portent pas la charge d’une dette liée au Covid, subissent les effets d’une conjoncture défavorable. Dotées de moins de fonds propres que leurs aînées, elles sont cependant très majoritairement, à 80 %, placées en liquidation judiciaire directe.

Les structures âgées de 11 à 15 ans présentent elles aussi une évolution bien en-deçà de la moyenne (+13 %).

Les activités en lien avec les consommateurs retrouvent progressivement des couleurs, mais les activités liées à l’immobilier restent dans l’œil du cyclone

Après des mois d’activité en berne, les activités de services à la personne, de restauration, de commerce de bouche retrouvent des couleurs. Mais d’autres activités, en tête desquelles, l’immobilier, mais aussi l’équipement du foyer font encore grise mine.

Les activités mieux orientées

Les commerces de bouche 

En première ligne face à la flambée des prix des matières premières agricoles et de l’énergie, et soumis à une consommation des ménages atone, les commerces de bouche étaient devenus le symbole des déflagrations économiques consécutives à la fin de l’ère Covid et le début de la guerre en Ukraine.

La boulangerie avait vu le nombre de ses défaillances presque doubler (+92 %) début 2022 puis encore très fortement augmenter (+69 %) début 2023. Ce premier trimestre 2024, le secteur bascule enfin dans le vert (-12 % pour 275 boulangers). 

La boucherie, confrontée aux mêmes hausses mais aussi à un changement des modes de consommation, inverse également la tendance. Alors que les défauts augmentaient encore de 74 % il y a un an, ce début 2024 s’inscrit en forte amélioration (-25 % pour 105 boucheries).

La restauration retrouve également des couleurs après deux années bien compliquées. Certes les défaillances augmentent encore mais de ‘seulement’ 12 % en restauration rapide (781 établissements) et 9 % (981) dans le service à table. Rappelons que ce dernier accusait des hausses de plus de 110 % début 2022 et encore +50 % début 2023.

 Autres activités de services aux

Après avoir atteint des records de défaillances en 2023, la coiffure parvient à émerger d’une situation exceptionnelle. Début 2022, le secteur accusait une hausse des défauts de +84 %, taux encore haut (+49 %) un an plus tard, soit au T1 2023. Désormais, la coiffure affiche à peine plus de +5 % de défauts (325 établissements).

Parmi les autres activités destinées aux consommateurs, celles liées au sport se refont une santé. Les centres ou club de sport enregistrent un nombre de procédures en recul de 27 % (69 établissements).

Enfin, les auto-écoles résistent avec une soixantaine de sorties de route, un nombre quasi stable.

B2B, services aux entreprises et industrie manufacturière

Les services aux entreprises : la sécurité privée connait un début d‘année comparable à celui de 2023 aux environs de 90 défauts. C’est également le cas de l’ingénierie qui se stabilise sous les 210 procédures. La programmation informatique, très chahutée ces derniers mois, repasse dans le vert (115 ; -13 %).

L’industrie manufacturière : les activités liées à l’environnement contiennent la sinistralité à 40 défauts. L’imprimerie qui accusait une hausse de +58 % il y a un an, parvient à rester nettement sous les 10 % (+6 %). La mécanique industrielle repasse dans le vert (25 ; -17 %).

Les activités encore à la peine voire en fortes difficultés

L’habillement : la vente au détail d’habillement reste sous tension mais limite la dégradation à +22 % (350 entreprises) après un début d’année 2023 très difficile (+65 %). Le négoce de gros dont le nombre de défaillances avait doublé il y a un an, affiche un net recul ce premier trimestre (38 ; -24 %). En revanche, la fabrication de vêtements de dessus est sévèrement orienté (38 ; +58 %).

Les services aux entreprises : les activités de conseil en communication et gestion (368 ; +29 %) ou de nettoyage de bâtiments (231 ; +32 %) restent en difficulté, tout comme le transport routier de marchandises (486 ; +34 %) en particulier pour l’interurbain.

 La construction : on sait les tensions qui pèsent sur le secteur. Les niveaux de défaillances, s’ils ne sont pas catastrophiques, sont au-dessus de la moyenne avec un peu plus de 4 400 défauts en ce 1er trimestre, en augmentation de 31 %.

Les activités immobilières présentent, comme on pouvait s’y attendre, des évolutions très lourdes. Ainsi, le nombre de défaillances d’agences immobilières a quasiment doublé ce trimestre (374 ; +95 %), comme un an plus tôt.

Le bâtiment enregistre des évolutions moins atypiques de +29 % (1 269) dans le gros œuvre et +25 % dans le second œuvre (2 064). Ces tensions se propagent aux matériaux de construction dans le commerce de gros (86 ; +41 %) ou la fabrication (57 ; +30 %). L’équipement du foyer n’est pas davantage épargné (310 ; +62 %) notamment dans le détail de meubles, où le nombre de défauts a quasiment doublé sur un an (106 ; +96 %).

Le social et médical : les activités de santé humaine et action sociale (278 ; +32 %) sont sous tension n’épargnant pas le commerce, notamment les pharmacies (32 ; +78 %).

 De meilleurs signaux mais une trajectoire encore compliquée.

Thierry Millon conclut : « Comme le suggérait déjà notre précédente étude, le ralentissement économique souffle sur des braises Covid encore fumantes et frappe les employeurs. Avec plus de 17 000 défauts, sur les trois premiers mois 2024, la moyenne de la décennie pré-covid pour un premier trimestre est dépassée (16 700). Parmi eux plus de 1 400 concernent des PME dont une sur dix emploie plus de 50 salariés. Des PME fragilisées par une dette désormais trop lourde dans une conjoncture trop faible.

Cependant, à l’instar de l’inflation, le rythme des défaillances semble lui-aussi vouloir ralentir à l’entame du printemps. L’activité économique fait du sur-place, ne permettant pas encore un reflux des cessations de paiement, mais les hausses exceptionnelles alignées depuis deux ans pourraient être enfin stoppées. Janvier 2024 est retombé à son rythme de janvier 2022 sous les +20 % contre +45 % en moyenne mensuelle entre ces deux dates. A la faveur d’une conjoncture qui redeviendrait progressivement un peu plus accommodante, l’année 2024 s’achèverait sur un nombre de défaillances, sauvegardes comprises, en hausse de 10 % proche donc des 64 000 procédures, un nombre élevé mais pas un mur de faillites. »

   

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