Qu’est-ce qu’une grève ?

Face à la multiplication des mouvements syndicaux, rappel pratique de ce que recouvre le droit de grève, ses limites, les obligations des employeurs…

Après les grèves du mardi 31 janvier et celle du jeudi 19 janvier, de nombreux syndicats ont lancé un appel pour une troisième journée de mobilisation ce mardi, 7 février. Cette mobilisation nationale massive aura de lourdes conséquences pour les salariés, grévistes ou non, mais aussi pour les entreprises.

Que recouvre la notion de grève ? Sous quelles formes peut-elle s’exercer ? Quelles sont les limites à l’exercice de ce droit ? En temps de grève, quelles sont les obligations d’un employeur vis-à-vis de ses salariés, grévistes ou non ?

Les salariés d’une entreprise ont arrêté de travailler, s’agit-il d’une grève ?

C’est la jurisprudence et non la loi qui a défini la notion de grève. La grève est une cessation complète collective et concertée du travail par le personnel visant à appuyer des revendications professionnelles.

1/ Une cessation collective du travail : on ne peut donc pas faire grève seul, il faut au moins être deux, sauf si l’on est le seul salarié de l’entreprise ou si le salarié participe à une grève nationale.

2/ Une cessation concertée du travail visant à appuyer des revendications professionnelles : la grève doit résulter d’une intention commune des salariés pour appuyer leurs revendications professionnelles. Elle ne nécessite donc pas un appel d’une organisation syndicale lorsqu’il s’agit d’une grève portant sur des revendications internes à l’entreprise.

De même, les grèves purement politiques (par exemple la fin d’une guerre) ou purement solidaires (en appui de revendications professionnelles qui sont complètement étrangères aux grévistes visés) sont considérées comme des mouvements illicites.

3/ Une cessation complète du travail : la grève doit nécessairement se manifester par un arrêt total de travail. En conséquence, tout mouvement se traduisant par un ralentissement volontaire de la production ou du rythme de travail (« grève perlée ») ou par l'accomplissement du travail de manière exagérément consciencieuse de sorte que le service concerné s'en trouve paralysé (« grève du zèle ») n’est pas une grève licite.

La grève du zèle est toutefois rarement sanctionnée du fait qu’il est difficile de considérer comme fautif le fait d’appliquer les consignes de l’entreprise à la lettre.

Dès lors que ces trois éléments sont réunis, le mouvement social est licite et les grévistes bénéficient de la protection qui s’y rapporte.

Quand y a-t-il abus dans l’exercice du droit de grève ?

Bien que l’abus puisse exister dans tout mouvement de grève, c’est dans les modalités (débrayages répétés, « grèves tournantes » et grèves-bouchons ») que l’on trouve le plus d’illustrations jurisprudentielles.

Les juges ont retenu le critère de la désorganisation de l’entreprise, qui se distingue de la désorganisation de la production, conséquence logique d’un débrayage. De ce fait, la reconnaissance d’un mouvement illicite pour désorganisation de l’entreprise est relativement rare.

La désorganisation de l’entreprise ne semble pas pouvoir être caractérisée dès lors que l’entreprise a la possibilité de prendre des mesures pour se réorganiser le temps de la grève, que la liberté du travail des salariés non-grévistes n’est pas entravée ou encore que la grève n’engendre pas de problème de sécurité.

Les salariés d’une entreprise veulent participer à une grève nationale mais ne veulent pas perdre de rémunération. Avant la journée de mobilisation, ils demandent à leur employeur de poser un jour de congés payés ou de RTT. Est-ce possible ?

Oui, mais cela change la nature de l’absence. La prise d’un congé n’est pas une modalité d’exécution de la grève. Le salarié ne sera pas considéré comme gréviste, il sera en congés. En effet c’est la première cause de suspension du contrat de travail qui prime.

En conséquence, le régime juridique de la grève ne s’appliquera pas mais celui correspondant au motif de l’absence (jours de congés payés ou RTT). Il sera rémunéré en conséquence et l’employeur pourra notamment remplacer ce salarié par un contrat précaire (CDD, intérim).

Une entreprise doit-elle fournir une quelconque information à l’Etat ou tout autre organisme sur les grévistes dans l’entreprise lors du mouvement national ?

Il n’y a aucune obligation légale à ce titre. Le fait de transmettre ces données personnelles à l’Etat ou à un autre organisme serait même contraire au règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD).

Du fait du mouvement national, notamment dans les transports, un salarié arrive en retard à son travail. Son employeur doit-il le rémunérer ? Peut-il le sanctionner ?

Il n’y a aucune obligation de rémunérer le salarié pour le temps de travail non effectué. Au vu du contexte, l’employeur peut néanmoins le faire, dans une logique de gestion RH.

En ce qui concerne la sanction disciplinaire, le retard est bien une faute professionnelle mais, selon la sanction choisie, on pourrait s’interroger sur son caractère justifié et proportionné.

En outre, le salarié pourrait facilement déclarer que ce temps non effectué n’est pas un retard mais sa participation au mouvement social. Il serait donc gréviste et la sanction deviendrait illicite.

 

(source SVP)

 

   

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