Prolongement des aides à l’apprentissage : un geste positif mais insuffisant

Les aides financières pour les entreprises recrutant des apprentis ne peuvent être efficaces que si elles s’accompagnent d’une vraie réflexion sur les besoins réels, du marché du travail

Personne ne va se plaindre de mesures en faveur de l’apprentissage.  Et la prolongation jusqu’à la fin 2022 (et peut-être en 2023, rien n’est encore indiqué sur ce point) des aides à l’apprentissage, dans le cadre du dispositif « un jeune, une solution » est à considérer avec satisfaction.

Il s’agit d’une aide exceptionnelle de 5 000 € pour le recrutement d'un alternant (en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation) de moins de 18 ans et de 8 000 € si celui-ci a plus de 18 ans et moins de 30 ans et prépare un diplôme, un titre professionnel ou un certificat de qualification jusqu'au master (bac +5). Ce montant s'applique à compter du premier jour du mois suivant la date de ses 18 ans.

Sont concerné les contrats d'apprentissage et les contrats de professionnalisation conclus entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre  2022 pour préparer un diplôme ou un titre allant jusqu'au niveau 7 du cadre national des certifications professionnelles (master, diplôme d'ingénieur...) et les contrats de professionnalisation doivent être conclus avec des salariés de moins de 30 ans. Ces contrats peuvent également être des certificats de qualification professionnelle (CQP) ou des contrats de professionnalisation expérimentaux.

Pour les entreprises de moins de 250 salariés, cette aide est versée sans condition. Elle se substitue pendant la première année d'exécution du contrat à l'aide unique, pour les entreprises éligibles.

Cela pose, comme le souligne l’ANAF (Association nationale des apprentis de France), « les mesures devront évoluer à l’horizon 2023 afin que les chantiers entreprises et leurs objectifs ne se cantonnent pas uniquement à des ambitions quantitatives. Le développement de l’apprentissage doit s’inscrire dans une démarche qualitative en prenant en compte la pluralité des besoins de tous les apprentis et futurs apprentis du pays ».

Un succès à relativiser

Le plan #1jeune1solution a été lancé en juillet 2020 pour faire face à la perspective de l’arrivée sur le marché du travail d’une nouvelle génération de 750 000 jeunes sortant du système scolaire en septembre 2020 et dans un contexte économique dégradé par la crise sanitaire. Ce sont au total, et sans préjuger de l’allongement du plan, 10 Mds€ qui ont été consacré à ce projet.  La Cour des Comptes a porté son regard sur son action il y a quelques semaines, avec ce commentaire lapidaire : « malgré une forte mobilisation pour la mise en œuvre du plan, son succès est à relativiser ».  Au 3è trimestre 2021, le nombre des jeunes de 15 à 24 ans inscrits à Pôle emploi était identique à celui observé avant la crise (686 000).  

La Cour note également que « l’aide à l’apprentissage, mesure dont le coût est le plus élevé, a certainement permis d’augmenter significativement le nombre d’apprentis, mais surtout au bénéfice de diplômés dont l’insertion sur le marché du travail n’est le plus souvent pas problématique. L’effet net sur l’emploi en volume est donc vraisemblablement faible. Quant à l’aide généraliste à l’embauche des jeunes, deuxième mesure en termes de coût, elle n’a pas eu d’effet sur le volume total de l’emploi. S’agissant des contrats aidés, ils apporteront une solution temporaire à quelques dizaines de milliers de jeunes, mais au prix d’effets d’aubaine qui demeurent à évaluer : le nombre de créations nettes d’emplois pourrait donc être faible ».

Au total, « l’efficacité de certaines mesures sur l’emploi, notamment les plus coûteuses, n’est pas avérée ». À l’issue de son enquête, la Cour a formulé les recommandations parmi lesquelles la modulation du montant des aides à l’apprentissage en faveur des filières et des niveaux de diplôme où leur valeur ajoutée en termes d’insertion est la plus importante. L’apprentissage est souvent corollé au monde industriel, voir à l’artisanat. Mais il semble moins naturel dans les services, qui sont la valeur montante de l’économie.

L’exemple allemand

SI l’objectif du million d’apprenti reste affirmé par le Gouvernement, c’est qu’en ligne de mire et en point de comparaison vient l’Allemagne et son 1,3 million d’apprentis. Mais les différences sont nombreuses, comme le décrit Frédéric Turlan, spécialiste en droit du travail et relations industrielles en Europe et directeur d'IR Share : « En Allemagne, l’apprentissage est le dispositif central de l’éducation professionnelle. La sélection se fait très tôt, puisque les jeunes sont orientés dès l’âge de 10/11 ans : soit, pour les meilleurs, vers les Gymnasium, l’équivalent du collège/lycée, qui conduit 40 % d’une classe d’âge vers le bac allemand (Abitur) ; soit vers des filières à vocation professionnelle qui mènent à l’enseignement supérieur technologique (Fachhochschulreife) pour 10 % de cette même classe d’âge. Ainsi, 50 % d’une classe d’âge passe par le circuit « normal », alors que les 50 % restants sont orientés vers les écoles à vocation professionnelle qui fonctionnent avec l’apprentissage (Realschulen, Hauptschulen, Werkrealschulen…) et conduisent à une intégration progressive, et presque certaine, sur le marché du travail. À titre de comparaison, en France, 80 % des jeunes français suivent l’enseignement général – collège, lycée – pour décrocher des bac pro ou généraliste et les 20 % restants sont orientés, plus tardivement qu’en Allemagne, vers une filière professionnelle qui recourt à l’apprentissage ou à l’alternance ».

De plus, le monde de l’entreprise est très présent dans l’élaboration des contenus des formations en apprentissage. « Ainsi, il y a une bonne adéquation entre les formations et les besoins des entreprises, mais aussi entre les postes d’apprentissage ouverts et les places disponibles dans les entreprises. Car ces dernières recrutent les apprentis en vue de les intégrer », souligne l’expert.  « L’une des différences les plus importantes est justement qu’en France ce sont les centres de formation qui sélectionnent les jeunes et pas les entreprises directement ».

   

 

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