Les enjeux du jeu

Le marché des jeux et jouets est impacté par la conjoncture et le recul des naissances.

La magie de Noël n’a pas opéré pour les professionnels du jeu et du jouet. Leur chiffre d’affaires a diminué de 5 % en 2023, et le mois de décembre, durant lequel ils réalisent 30 % de leur activité, a contribué à cette morosité avec un triste - 2 %. Les causes ne sont pas compliquées à définir : l’inflation, la crise du pouvoir d’achat et donc, pour les consommateurs, une quête des prix bas. La France n’a pas été la seule touchée, puisque la baisse a frappé à un niveau équivalent le Royaume-Uni (- 5,4 %) et l’Allemagne (- 5,2 %). Deux autres facteurs sont à prendre en considération : l’attrait croissant pour la seconde main et la pyramide des âges… Le ralentissement continu de la natalité frappe forcément le secteur. Le nombre de naissances en 2023 (678 000) est le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale d’après l’INSEE, avec un recul de 6,6 % par rapport à 2022 et de 20 % par rapport à 2010. Cette chute démographique a naturellement un impact lourd sur le marché du jouet. En 2023, elle a représenté une baisse de 60 millions d’euros sur les 0-11 ans, soit environ 1,4 point de croissance en moins.

Tout n’est pas noir, comme le constate Frédérique Tutt, experte monde pour Circana, cabinet conseil aux entreprises sur la consommation : « Même si ce résultat est quelque peu décevant, les consommateurs français ont toutefois plébiscité les nouveautés et continué d’offrir de beaux cadeaux, et ce, malgré les pressions budgétaires. Le marché français est maintenant estimé autour de 4,3 milliards d’euros pour 2023 ». Florent Leroux, président de la Fédération française des industries du Jouet-Puériculture (FJP), veut aussi voir le verre à moitié plein : « Plus que jamais, la création, l’innovation et le lancement de produits inédits par tous nos fabricants restent des moteurs essentiels de croissance et de dynamisme pour notre secteur, tout au long de l’année. »

Miser sur la contre-saisonnalité

De fait, les enseignes spécialisées du jouet et les multispécialistes ont encore une fois gagné des parts de marché en 2023 tout en concédant 2 % de recul en valeur sur l’année. Les hypermarchés, quant à eux, ont chuté de 10 %. En parallèle, les achats sur internet, tous distributeurs confondus (pure players, magasins spécialisés, hypermarchés…) ont baissé de 4,6 % sur l’année, en ligne avec l’évolution globale du marché. Philipe Gueydon, co-président de la Fédération des Commerces spécialistes des Jouets et des Produits de l’Enfant (FCJPE) indique : « Le circuit spécialiste tire son épingle du jeu sur le permanent et maintient ses ventes. Cette belle résistance permet à nos enseignes de gagner des parts de marché par rapport aux autres circuits. C’est la confirmation de la pertinence de notre modèle omnicanal, qui répond aux attentes de nos clients, que ce soit en termes de potentiel ludo-éducatif des produits que nous proposons, d’écoconception ou du rôle de nos équipes afin d’enchanter l’expérience client en magasin ».

Parmi les grands succès de la fin d’année, figurent les « compagnons interactifs », notamment Furby et Bitzee, mais aussi les cartes stratégiques, les jeux de cartes, la construction et les figurines préscolaires.

Dans cet environnement, le jouet français demeure populaire auprès des consommateurs et représente 14 % du chiffre d’affaires de la filière sur l’année.

Pour les prochains mois, la prudence reste de mise, souligne Frédérique Tutt : « Pour retrouver le chemin de la croissance, le marché du jouet compte sur un redressement de l’économie et une amélioration du budget des ménages, sur les nouveautés, ainsi que sur les jouets liés aux licences pour continuer de séduire les enfants et les adultes. Les enseignes devront aussi répondre aux nouvelles occasions d’achat, en développant une offre pertinente de contre-saisonnalité   ». Mais des nuages s’accumulent, à l'image des préoccupations autour de l’indice des loyers commerciaux « qui font l’objet d’une hausse sans précédent, de l’ordre de 6 % annuelle, à des niveaux incompatibles avec la bonne marche de nos entreprises », s’alarme Florent Leroux.

Enfin, les incertitudes du contexte international jouent non seulement sur le moral des ménages, mais aussi sur le transport, avec un doublement du prix des conteneurs entre novembre et aujourd’hui.

La FJP entend se mobiliser autour de deux propositions : la diminution du taux de la TVA de 20 % à 5,5 % pour les produits de sécurité obligatoires pour les bébés et les enfants (sièges-auto, nacelles, coques) et l’autorisation du déblocage anticipé de l’épargne salariale dès la naissance du premier enfant ; aujourd’hui possible à partir du troisième, cette mesure libérerait du pouvoir d’achat pour les nouveaux parents tout en étant neutre pour les finances publiques. Enfin, elle ne relâche pas ses efforts sur la sécurité, autour de la révision d’une directive européenne qui se voudra très stricte sur la question. La FJP portera une attention particulière aux nouvelles règles qui pourraient faire disparaître des jouets sûrs et pénaliser les fabricants, sans pour autant améliorer la sécurité des produits. En revanche, la révision doit renforcer la législation concernant les jouets non conformes, sans marque, et proposés bien souvent par des vendeurs tiers inconnus, hébergés sur des places de marché en ligne. Enfin, ce doit être l’occasion de mener un véritable travail d’harmonisation et de simplification des normes afin d’encourager le développement d’une filière française et européenne du jouet, essentiellement composée de PME.

 

   

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