Les circuits courts n’ont plus la côte

L’inflation a porté un rude coût à la popularité des circuits courts et des produits locaux.

La logique de montée en gamme du commerce alimentaire, qui prévalait jusqu’ici, a été brutalement interrompue en 2022. Inflation record et crise du pouvoir d’achat sont à l’évidence passées par là. Pour les circuits courts, le retour de bâton a été particulièrement sévère (baisse de la fréquentation des magasins de producteurs, recul des revenus des structures de vente à la ferme, non-renouvellement des adhésions pour certaines AMAP ou écrémage des structures) peut-on lire dans l’étude réalisée par Xerfi « Le marché des produits locaux et les circuits courts face au choc inflationniste – Perspectives de croissance du marché et stratégies de ripostes des GSA et des géants de l’agroalimentaire  ».

Si la crise sanitaire avait donné des ailes aux circuits courts, la donne a de fait changé dès 2021 sous l’effet du retour des consommateurs vers les circuits traditionnels, d’une offre pléthorique et du surinvestissement de certains acteurs. Les pressions sur le pouvoir d’achat n’ont pas non plus épargné les produits locaux et régionaux. Les MDD thématiques (dont les MDD terroir) ne semblent pas avoir bénéficié des arbitrages des consommateurs en faveur des marques de distributeur tandis que les marques locales (au moins 50% des ventes dans une seule région) ont enregistré un repli. Quant aux marques des PME-TPE, elles ont sous-performé sur l’ensemble en 2022. L’artisanat commercial, les petits commerces de bouche et autres magasins spécialisés (poissonneries, boucheries…) ont, eux aussi, accusé le coup. Le marché des produits locaux et régionaux a néanmoins fait preuve de résistance par rapport à la chute du bio (-4,2%).  

Manque de transparence

Pourtant, les produits locaux et régionaux pourraient bien supplanter le bio dans les rayons des grandes surfaces alimentaire (GSA). C’est d’autant plus vrai que l’allégation locale, parfaitement transversale, fait consensus dans la population et qu’elle est peu contraignante (contrairement au label AB). Mais le match n’est pas terminé. Le manque de transparence autour de cette allégation est susceptible de nuire à sa crédibilité ainsi qu’à celle des labels d’origine officiels (AOC, AOP, Label Rouge et autres Siqo) qui pèsent tout de même plus de 6 milliards d’euros. En effet, la promesse de valeur du local repose en partie sur une croyance et rien ne garantit qu’un produit local (ou régional) soit meilleur qu’un autre. Par ailleurs, si les marques des PME-TPE envahissent les rayons, à en croire leur ratio part d’offre/part de chiffre d’affaires, elles peinent à justifier leur surreprésentation dans les linéaires en matière de marges. En clair, les produits locaux et régionaux sont condamnés à jouer les produits d’appel des GSA. 

 Et les distributeurs ne ménagent pas leur peine pour les mettre en avant, même si toutes les initiatives n’ont pas été couronnées de succès. Les experts de Xerfi Precepta ont ainsi identifié les trois principaux leviers à leur disposition. Initié à la fin des années 1990 et suivi par tous, à l’exception d’Auchan, le développement des MDD terroir (1,8 milliard d’euros en 2022 en grande distribution selon nos estimations) est l’une des stratégies les plus solides. Intermarché vient ainsi de remplacer sa MDD Itinéraire des saveurs par Itinéraire de nos régions.

Le déploiement des rayons produits frais traditionnels (PFT), terrain d’expression naturel pour l’offre locale et artisanale, est une autre priorité stratégique des GSA. Si les marges sont plutôt modestes, ces produits génèrent du trafic et permettent aux enseignes de se différencier. Sans oublier qu’ils sont un bon moyen de contrer la concurrence de magasins du type Grand Frais. Monoprix teste ainsi des stands de PFT en concession avec des artisans renommés. 

L’offre locale peut enfin s’appuyer sur les initiatives individuelles des directeurs de magasins. A ce jeu, les indépendants (E.Leclerc, Intermarché ou Système U) ont à l’évidence une longueur d’avance grâce à leur modèle décentralisé. Les distributeurs intégrés leur emboîtent peu à peu le pas en accordant davantage d’autonomie aux points de vente ou en créant des plateformes d’intermédiation avec l’amont, à l’instar de Casino. 

L’apparition du « grocal »

Pour les fabricants, la partie n’est pas gagnée. Si les grandes marques ont su profiter des autres allégations (bio, végan, responsable…), le local reste par essence incompatible avec une production industrialisée. Conjuguer local et multinational s’apparente de fait à un exercice d’équilibriste pour les industriels de l’agroalimentaire. En réalité, il leur faut la jouer « glocale » (néologisme issu de la contraction de « global » et « local »). 

Dans ces conditions, les grands groupes cultivent le « patriotisme économique » en mettant en avant l’origine française des produits. Certains acteurs jouent eux sur l’ambiguïté des termes, à l’instar de Bigard qui reprend les codes marketing du craft pour sa gamme Tradition Régionale. D’autres industriels ont racheté des marques à fort ancrage local. C’est le cas d’Heineken, propriétaire de plusieurs brasseries artisanales. 

Des groupes coopératifs tentent eux l’aventure de la distribution à l’aide de nouvelles enseignes totalement dédiées à la vente de produits frais en circuits courts. Avec Le Grand Marché – Frais d’Ici, bientôt en concurrence frontale avec Grand Frais, InVivo a frappé fort. Le géant prévoit en effet d’ouvrir 175 points de vente d’ici 2025.  

   

 

 

 

 

 

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