Des nuages noirs sur l’économie française

La croissance et l’inflation française risquent de souffrir fortement des incertitudes géopolitiques

La guerre en Ukraine entraine des conséquences économiques importantes, à court terme (en attisant l’inflation) comme à plus long terme (avec la réorganisation probable de certaines chaines de valeur), estime l’Insee dans sa dernière note de conjoncture. « Ce conflit rend à nouveau la prévision économique particulièrement incertaine, précisément parce qu’elle dépend en partie de facteurs qui ne relèvent pas de l’analyse conjoncturelle habituelle, qu’il s’agisse par exemple de l’évolution de la situation militaire ou de celle des sanctions contre la Russie », préviennent les experts de l’Insee.

La situation économique était déjà préoccupante, marquée par la tension sur les prix et les difficultés d’approvisionnement. Pourtant, l’activité économique française devrait globalement progresser au premier trimestre, en dépit d’une consommation en retrait. Au total, la prévision de croissance du PIB est maintenue à +0,3 % pour le premier trimestre (après +0,7 % au trimestre précédent), avec toutefois plus d’incertitude qu’à l’accoutumée, notamment pour mars.

Diminution du pouvoir d’achat

Le signal d’alarme inflationniste continue de retentir. En février, le glissement sur un an des prix à la consommation a atteint 3,6 %. Il aurait été de l’ordre de 5 % sans le « bouclier tarifaire » sur les tarifs réglementés de vente du gaz et de l’électricité. En mars, l’inflation dépasserait 4 % sur un an : l’énergie expliquerait environ la moitié de ce glissement annuel.

Du fait de la hausse des prix et malgré la bonne tenue des revenus d’activité, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages diminuerait au premier trimestre 2022 (–1,4 % prévu par unité de consommation).

La conjoncture serait plus incertaine au cours des prochains mois, avec davantage d’inflation importée. En première analyse, la guerre en Ukraine et les sanctions adoptées contre la Russie affectent l’économie française par plusieurs canaux. Il s’agit tout d’abord d’un choc sur le prix de l’énergie et des matières premières, mais aussi d’un choc d’incertitude et d’un choc sur le commerce extérieur. Le choc sur les prix de certaines importations peut par ailleurs se doubler d’un choc sur les volumes, avec le risque d’un accroissement des difficultés d’approvisionnement – alors même que celles qui préexistaient, par exemple s’agissant des semi-conducteurs, ne semblent pas encore résorbées.

« Les résultats précoces des enquêtes de conjoncture de mars, collectés entre le 25 février et le 14 mars, fournissent de premières indications sur la manière dont les entreprises modifient leurs anticipations depuis le début de la guerre en Ukraine. Les perspectives générales tout comme les perspectives personnelles d’activité apparaissent particulièrement affectées dans l’industrie, mais aussi dans le commerce de gros et dans certains services », souligne l’Insee. En revanche, à ce stade, les perspectives en matière d’emploi semblent relativement peu modifiées. La croissance devrait logiquement s’en ressentir dans les prochains mois. Une perte minimum d’un point de PIB semble facilement envisageable pour 2022.

Choc de confiance

En ce qui concerne l’inflation, les prix alimentaires pourraient être tirés à la hausse par les cours des matières premières mais aussi à la suite des négociations commerciales entre producteurs et distributeurs. Le glissement annuel global des prix pourrait ainsi se situer autour de 4,5 % entre avril et juin.

« Au-delà du développement du conflit lui-même, des sanctions associées mais aussi des réponses de politique économique, ces aléas portent par exemple sur les conséquences du choc de confiance et sur l’ampleur des difficultés d’approvisionnement, qu’elles soient liées à la guerre ou bien éventuellement à la résurgence de la pandémie, si celle-ci devait entraîner des arrêts d’activité notamment en Chine », remarque l’Insee.

Ces perspectives peu encourageantes sont entourées de fortes incertitudes. Mais l’ambiance générale est morose. Les enquêtes prévoient un assombrissement marqué des perspectives de production – tant personnelles que générales – dans l’industrie.

Dégradation de l’activité

De fait, les conséquences économiques de la guerre transiteraient par plusieurs canaux, directs comme indirects. En premier lieu, le vif renchérissement des matières premières et énergétiques amplifie la dynamique amorcée en 2021. Ces hausses de prix pèseraient à la fois sur les coûts de production des entreprises, mais aussi sur les dépenses des ménages, même si le bouclier tarifaire limiterait significativement l’inflation énergétique. En outre, la fermeture du marché russe, les difficultés d’approvisionnement depuis l’Ukraine et la désorganisation des chaînes de valeur mondiales exacerberaient les contraintes d’offre, déjà très fortes dans l’industrie et la construction, et perturberaient les échanges de biens et services. Le tourisme international, déjà affecté par l’épidémie, pourrait voir sa reprise entravée. Plus largement, le climat de tension et d’incertitude pourrait entraîner une dégradation de la confiance des agents économiques, entreprises comme ménages, pénalisant l’investissement ou encore la consommation.

« Les soldes d’opinion sur les perspectives générales d’activité sont en net recul. La dégradation est particulièrement marquée dans l’industrie et le commerce de détail et de gros. Tous les sous-secteurs manufacturiers présentent ainsi une détérioration de leurs perspectives, particulièrement dans les matériels de transport. Dans une moindre mesure, les chefs d’entreprise des services marchands sont également préoccupés, avec des situations toutefois plus contrastées. On constate ainsi une dégradation marquée des perspectives dans le transport routier de marchandise et les services administratifs et de soutien », analyse l’Insee. « Les ménages anticipent une nette baisse du niveau de vie général en France. Cette baisse est d’autant plus notable qu’en général, les périodes qui précèdent immédiatement les élections présidentielles s’accompagnent d’un net regain ponctuel d’optimisme sur ce solde d’opinion. La baisse est également nette, mais de moins grande ampleur, s’agissant de la situation financière personnelle future. Par ailleurs, les soldes d’opinion sur l’opportunité de faire des achats importants et sur l’opportunité d’épargner seraient en baisse ».

La consommation des ménages ralentissait déjà avant la guerre en Ukraine.  Les soldes d’hiver 2022, qui se sont déroulés de début janvier à début février, semblent par ailleurs avoir été moins dynamiques que les soldes d’hiver 2020. Les surcroîts de dépenses observés depuis le début de la crise sanitaire se maintiendraient pour les biens d’équipement, tandis que les achats de véhicules resteraient à un niveau dégradé par rapport à avant la crise sanitaire.

  

 

 

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